Invitation to Noise // 30 avril 2023
Critique de 4 albums : LEG YIELD - engine check // REMOTE VIEWING - Modern Addictions // THERMOSTAT - Thermostat EP // MAST YEAR - Knife
Bonjour tout le monde,
Cela fait très longtemps que tu n’as pas eu de mes nouvelles dans ta boîte mail. J’espère que tout va bien pour toi et que tu écoutes de la bonne zic.
Je reviens cette fois avec quatre disques sortis récemment : engine check de LEG YIELD, Modern Addictions de REMOTE VIEWING, Thermostat EP de THERMOSTAT, et Knife de MAST YEAR.
En bonus, j’ajoute une petite critique qui a été publiée précédemment sur le compte (très inactif) Instagram de Noisy Tapes.
Si tu aimes ce que tu lis, n’hésite pas à partager.
Enjoy!
LEG YIELD - engine check
(The Ghost is Clear Records - 2023)
LEG YIELD est l'œuvre d'un homme, celle de Sam Hutchinson le batteur de feu BUMMER. Le gars devait s'ennuyer depuis la séparation du groupe, il décide alors de monter son propre projet, où il fait absolument tout.
Forcément de la part d'un tel batteur, la musique qu'il joue ne peut que déboîter. Engine Check est en effet un instantané de violence. Composé de 7 titres qui font seulement 7 minutes, l'EP défile forcément à la vitesse de l'éclair, ce qui n’empêche pas d’être percuté par l’intensité et la décharge émotionnelle qui s’en dégagent à chaque instant.
Sam Hutchinson se fait plaisir autant avec des vocalises violentes, des guitares fulgurantes, des sons de basse pesants, des rythmiques sauvages, et des nappes de synthé agressives. En tout cas, engine check ne donne pas l’impression d’être joué par un homme orchestre.
L’excellent label The Ghost is Clear Records a eu le bon goût de faire confiance à Hutchinson ajoutant encore un nouveau très bon disque à son catalogue.
À écouter sur : Bandcamp
REMOTE VIEWING - Modern Addictions
(Human Worth - 2023)
Alors que le super-groupe REMOTE VIEWING existe depuis 2016, je le découvre avec son dernier EP, un 6-titres sorti chez Human Worth. En même temps, la formation anglaise a connu quelques changements au sein de son line-up donnant certainement un aspect nouveau à la musique de REMOTE VIEWING. Il faut que je prenne le temps d’écouter ses deux précédents disques, Bloodloss et It’s Better This Way, pour m’en rendre compte par moi-même.
En tout cas, je me rends bien compte par moi-même que Modern Addictions est un disque aussi massif que sombre. Un malaise s’installe dès les premières notes de “Short Distance Runner”, le groupe n’est pas là pour nous conter fleurette. La ligne de basse donne cette impression d’avancer douloureusement dans un monde dévasté par les martèlements de fûts. Les guitares arrivent telles des alarmes de fin du monde. La voix vient tout fracasser créant un vaste nuage de fumée anxiogène.
REMOTE VIEWING fait du sludge grinçant et piquant. La recette est clairement connue, mais il y a une énergie vorace et une émotion vive qui se dégagent de chaque morceau assez peu communes à ce genre musical. Ces moments intenses cassent le côté massif afin de donner plus de relief et de chaos. La dernière minute de “Wasted on Purpose” illustre parfaitement bien mon ressenti proposant un final tout aussi colossal que magistral.
Les six titres d’une violence rare sont tous des bijoux mis en valeur par la production de Wayne Adams. Le producteur sublime le tout notamment avec des overdubs d’une voix grave, lente et en retrait qui vient contraster celle du chanteur. Cela multiplie le désespoir qui émane de ces moments. L’introduction de “A.B.B.A. / ABBA” est aussi une démonstration de puissance sonore qui colle parfaitement à l’intention de la composition du groupe.
Les 34 minutes et 52 secondes que durent Modern Addictions sont tout aussi passionnantes de part la violence qui s’en dégage, mais aussi de cette émotion qui vient à la déchirer. Ce disque est loin de me laisser insensible.
À écouter sur : Bandcamp
THERMOSTAT - Thermostat EP
(Autoprod. - 2023)
Le quatuor de Detroit, Michigan, semble vouloir faire baisser la température avec sa rythmique glaciale. C’est une fonction tout à fait appréciable pour un thermostat.
(Ouais, je fais aussi des blagues de merde… j’assume !)
Ce 5-Titres est la première sortie de THERMOSTAT qui met la barre très haut. Dès les premières notes du morceau “Paliopsia”, la magie opère. Certes, la composition noise rock semble très classique, mais l’ambiance prend aux trippes immédiatement grâce à sa rythmique très lourde, la rondeur de la ligne de basse qui caresse le tympan, et la guitare claire très incisive qui survole l’ensemble. La voix semble plus inspirée par THE BIRTHDAY PARTY que par THE JESUS LIZARD, mais il y a une rage encagée qui répond parfaitement aux critères du noise rock.
THERMOSTAT ne suit pas une formule toute faite, le titre “Dublin Pub Song” a une approche tout autre, avec toujours cette ambiance singulière qui se voit agrémentée par des sonorités électroniques. L’alternance entre la partie presque enjouée et la partie énervée entraine une forme d’extase sonore [ce n’est pas pour rien que Kfuel a choisi ce titre pour parler du groupe].
“Discrepancy” et “Aztec” sont plus convenus que le précédent, mais le groupe parvient toujours à imposer sa patte et son ambiance. Les sons électroniques de ce deuxième apportent une lourdeur puissante qui colle avec les émotions que veut transmettre THERMOSTAT. Quant au cinquième titre qui ne dure que 50 secondes, il est punk à souhait concluant avec brio un disque passionnant.
Chaque écoute du EP m’a conforté dans l’idée que ce disque est particulièrement bon.
À écouter sur : Bandcamp
MAST YEAR - Knife
(Grimoire Records - 2023)
MAST YEARS est un groupe jeune venu de Baltimore cofondé par Noel Mueller, l'heureux propriétaire du label Grimoire Records. Sa passion pour la musique bruyante n'est plus à démontrer. Son association avec les 3 autres membres de MAST YEAR n'est qu'une exécution de ce qui le fait kiffer.
Le quatuor nous livre alors un noise rock dans la veine de KEN MODE, un truc très viscéral qui fonce dans le tas, mais qui sait aussi contenir sa folie destructrice sur des morceaux plus posés mais tout aussi violents.
Ce premier LP de MAST YEAR ne dure que 25 minutes, une courte durée d'une intensité folle. Pourtant, chaque morceau arrive à capter l'attention individuellement. Le quatuor nous livre des tubes noise rock très chargés émotionnellement avec des parties sludge soutenus. Le tout est servi par la production de Ben Price (AT THE GATES, FOR HAMMER…) qui joue avec les saturations d'une manière habile donnant un son vraiment plaisant. Ça me ramène aux débuts des années 2000 avec un son consciemment cradingue qui amplifie l'intensité des compositions. Cette approche - plus proche des disques de sludge - s'embrase à la fin du disque avec des morceaux bien plus heavy dans la forme, pourtant les gimmicks du groupe sont reconnaissables.
J'ai l'impression que MAST YEAR pourrait évoluer de plein de manières différentes dans les prochaines années, cela en est presque excitant. En attendant, nous pouvons faire tourner en boucle Knife, parce que le groupe de Baltimore nous a quand même sorti un disque vraiment excellent de bout en bout.
À écouter sur : Bandcamp
MODERN TECHNOLOGY - Service Provider
(Human Worth - 2020)
MODERN TECHNOLOGY est un duo guitare/batterie venu d’Angleterre qui aime explorer à travers sa musique différents thèmes comme l’inégalité des chances, la crise climatique, et la perte de repères sociaux. Rien d’étonnant que de savoir que le batteur Owen Gildersleeve est le fondateur de Human Worth, un label à but caritatif qui verse ses bénéfices à des associations.
Mine de rien, avec cette courte présentation, le ton est donné : Service Provider n’est pas un disque conçu pour nous faire marrer. La musique est sombre et froide, les compositions avancent de manière inquiétante malgré les quelques notes de chaleur, et il y a de la souffrance à tous les étages. La voix, la guitare, et le martèlement des fûts, tout semble sombrer dans un certain désespoir. Notre société va mal, la musique de MODERN TECHNOLOGY veut simplement être une représentation fidèle de ce navrant constat.
Service Provider est le premier LP du duo. Il s’inscrit dans la parfaite continuité du EP précédent, Exploding Head Sessions. Néanmoins, j’ai commencé à écouter l’album avec une certaine appréhension, celle que les 8 titres qui composent le disque ne parviennent pas à renouveler le genre musical, soit un noise rock sludgy. Dans ma tête, le côté lent et intense fonctionne très bien s’il est agrémenté de quelques variations d’habillage. Cela me paraissait bien compliqué pour un duo n’ayant qu’une voix, qu’une guitare et qu’une batterie pour y parvenir. Pourtant, dans les faits, cela fonctionne ; chaque titre est parfaitement identifiable.
La magie opère dès l’introduction de l’album et elle maintient l’éveil jusqu’à la fin. La musique de MODERN TECHNOLOGY semble trouver ses variations en s’inspirant des thèmes qu’elle aborde. La colère, le chagrin ou l’incompréhension sont ces éléments qui apportent la variété des titres.
Et puis, le duo – aidé de l’excellent Wayne Adams à la production – maîtrise royalement ses instruments, au point où ils savent jouer avec pour apporter du groove afin d’arrondir les angles. Le son de guitare a aussi quelques variations qui font que les larsens peuvent retenir comme des cuivres alarmistes. Cette manière de jouer avec les sonorités et les textures sonores apportent tout ce qui faut pour que la musique de MODERN TECHNOLOGY soit aussi prenante et jouissive.
Ainsi, Service Provider s’installe assez rapidement comme un disque inévitable du genre ; MODERN TECHNOLOGY mérite clairement toute notre attention.
À écouter sur : Bandcamp